• da camera

Offrant un « double portrait » de compositeurs autant qu’un croisement d’interprètes, ce programme – donné le 11 janvier dernier à la Villa Médicis (Rome), dans le cadre du festival annuel de musique contemporaine Controtempo – se place sous le signe de la radicalité, et ce dès la pièce de Francesco Filidei (né à Pise, en 1973 [photo]) donnée en ouverture.

Commande de la Fondation Royaumont, I Funerali dell’Anarchico Serantini rend hommage à une des nombreuses victimes de la répression policière en démocratie. Le 5 mai 1972, jeune orphelin sarde attaché au mouvement anarchiste, Francesco (dit Franco) Serantini manifeste contre la venue à Pise du député fasciste Niccolai. Au cours de violents affrontements qui l’oppose à la police, Serantini est frappé, puis emprisonné au commissariat. C’est là qu’il succombe à ses blessures, deux jours plus tard, après une nuit d’agonie. Le 9 mai, ses funérailles sont organisées par ses camarades, défilant le poing levé. Depuis lors, si le cercle anarchiste de la ville italienne est devenu un restaurant, une place et une bibliothèque y conservent la mémoire d’un résistant mort à vingt ans.

N’excédant pas un quart d’heure comme la majorité des autres compositions de Filidei, celle-ci convoque six musiciens sans autres instruments que leur propre corps. Assis derrière une table longue, hommes et femmes avec des lunettes noires font entendre leur masque – râle, expiration, reniflement, sifflement, claquement de langue, cri, etc. – ainsi que leur main – frottée sur la table, claquée sur la joue ou frappée contre l’autre, façon Clapping music.

De celui qui fut organiste à la Cathédrale de sa ville natale, qui se perfectionne auprès de Bussotti, Levinas, Sciarrino ou encore Stroppa, on découvre ensuite Gagliarda et Corde vuote. Créé à Ludwisburg (Allemagne) le 22 juin 2006, le premier offre à Séverine Ballon une nouvelle occasion d’explorer les possibilités percussives d’un violoncelle aux cordes assorties d’une tige métallique : les doigts cognent la tête de l’instrument, glissent sur le vernis et jouent directement sur l’archet [lire notre chronique du 19 septembre 2010]. Le second – trio créé à Osaka (Japon) le 30 octobre dernier – instaure un balancement entre violon (Julien Dieudegard) et violoncelle (Florian Lauridon), avant d’esquisser un certain lyrisme, puis dérailler. Pour sa part, le piano s’avère discrètement impressionniste.

Mais juste avant ces dernières pièces, Furia (2009) invite la musique de Raphaël Cendo (né en 1975) à compléter ce double portrait. Le duo démarre avec une vague métallique qui se déploie sous les doigts de la pianiste Caroline Cren à même les cordes. Couinements et grincements naissent de part et d’autres, avant que le jeu du violoncelle devienne plus franc et virtuose. En clôture, du créateur d’Introduction aux ténèbres qui nous avait tant déçus en novembre 2009, et sous la conduite rigoureuse de Kanako Abe, nous retrouvons avec plaisir Tract, dont la naissance fut évoquée dans nos pages [lire notre chronique du 23 novembre 2007].

Pour finir, signalons que l’ensemble Multilatérale en croisera prochainement un autre – en l’occurrence Court Circuit, au Studio de l’Ermitage, le 1^er février, dans des œuvres de Cera, Donatoni, Matalon, Rivas et Robin – et que L’Itinéraire sera l’invité de Présences, le 6 février, pour un concert monographique Esa-Pekka Salonen, artiste à l’honneur du festival de Radio France cette année.

LB